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La tête dans les étoiles - Épisode 94 : La sonde spatiale la plus dure à cuire

14/03/2023

Se poser sur la planète Vénus relève du défi, mais pour des raisons assez inattendues. Contrairement à Mars, où la très faible teneur de l’atmosphère rend les atterrissages particulièrement complexes, Vénus possède une atmosphère très dense. On pourrait penser que cela faciliterait l’atterrissage en freinant la sonde efficacement, mais c’est le contraire qui se produit. En effet, l’atmosphère est surtout saturée en dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre à la redoutable efficacité : la température au sol y dépasse allègrement les 450 °C, et n’est guère plus clémente en altitude. La problématique à laquelle furent confrontés ingénieurs américains et soviétiques dans les années 1970 fut donc de faire en sorte que les sondes spatiales atteignent le sol le plus rapidement possible, avant qu’elles ne soient irrémédiablement détruites par les infernales conditions de température et de pression qui règnent à la surface de cette planète, parfois présentée un peu abusivement comme une quasi-jumelle de la Terre.

 

Ce sont les Soviétiques qui y parvinrent les premiers le 15 décembre 1970, quoique de façon complètement involontaire. Alors que la sonde Venera 7 était encore à plus de 3 km au-dessus de la surface vénusienne, son parachute commença à fondre, puis le câble le reliant à la sonde céda. Résultat des courses, la sonde tomba en chute libre vers la surface, qu’elle heurta probablement à plus de 60 km/h, un choc assez rude que la robuste conception de la sonde put absorber, même si elle bascula sur le côté et ne put guère envoyer de données vers la Terre, son antenne ne pointant plus dans la bonne direction. Les Soviétiques procédèrent de même avec les missions suivantes, mais de façon plus contrôlée : freinage de la sonde dans la haute atmosphère, puis largage, cette fois volontaire, du parachute à altitude modérée pour atteindre le sol le plus rapidement possible, le design de la sonde étant modifié pour qu’elle garde son assise malgré la rudesse inévitable de son atterrissage. Toutefois, une fois les engins posés, leurs heures, ou plutôt leurs minutes, étaient comptées : impossible de résister bien longtemps à des températures de plus de 450 °C et des pressions de 90 bars, soit ce qu’un plongeur ressentirait s’il évoluait à 900 m sous la surface des océans terrestres.

 

La sonde la plus résistante dans ce contexte fut Venera 13, qui survécut plus de deux heures (127 minutes exactement) après son atterrissage le 1er mars 1982, largement suffisant pour transmettre un énigmatique panorama de la surface de Vénus qu’aucune agence spatiale n’a osé essayer d’atteindre depuis cet exploit.


Panorama en noir et blanc de la surface de Vénus pris par la sonde Venera 13. Vue par des yeux humains, l’image prendrait une teinte jaune orangé peu engageante, en raison de la très forte teneur en acide sulfurique de l’atmosphère de la planète, décidément bien peu accueillante.

 

Crédit : Académie Russe des Sciences, Don P. Mitchell