Chronique animale - Épisode 54 : Les écureuils accros au sucre
21/02/2023
Les parcs urbains hébergent une faune riche et chanceuse à bien des égards. Loin des dangers du monde sauvage, les oiseaux et les mammifères profitent des largesses des hommes. Nourriture gratuite et abondante, îlots de chaleur, absence de prédateurs, nos espaces de détente ont des airs de paradis. Mais chaque médaille a son revers. La naturalité des villes est un leurre. Les espèces qui y vivent souffrent des mêmes maux que les hommes qui y habitent, des mêmes pollutions et du stress.
L’écureuil roux (Sciurus vulgaris) est une espèce emblématique de nos parcs arborés. Présente en forte densité dans les zones urbaines, elle y semble à son aise. Pourtant, on connaît peu les conséquences de cette vie en ville sur sa recherche de nourriture et son état de santé. En 2022, une équipe de chercheurs de l’université de Hambourg s’est intéressée à ce sujet en comparant les préférences alimentaires et ses conséquences chez des écureuils provenant d'une zone urbaine et d'une population forestière. Les chercheurs ont offert aux écureuils huit aliments différents, choisis en fonction de leurs observations sur le terrain et de leur régime alimentaire naturel connu. Quatre aliments étaient considérés « naturels » : les cônes d'épicéa, les noisettes entières, les sauterelles séchées et les pommes ; quatre autres typiquement urbains : les cacahuètes entières, les biscuits au beurre, des boules de graisse généralement offertes pour nourrir les oiseaux en hiver et des carottes.
Les résultats de leur étude montrent que si tous les écureuils préféraient les noisettes, les écureuils urbains avaient un régime alimentaire plus varié et consommaient davantage d'aliments non naturels. Les deux groupes privilégiaient les graisses et il n'y avait aucune différence dans la consommation de protéines. Cependant, les écureuils urbains avaient une consommation de sucre plus élevée, principalement due à leur attirance pour les biscuits, une forme d’addiction bien difficile à contrôler. Contre toute attente, les individus urbains au début de l’étude présentaient une masse et une condition corporelle inférieures à leurs cousins des campagnes. Pire, même s’ils consommaient une plus grande quantité de nourriture et prenaient du poids au cours de l’expérience, la différence de condition corporelle persistait. L’appétence pour le sucre et les aliments non naturels entraîne en fait une inadéquation nutritionnelle avec des effets secondaires sévères. Même s’ils mangent beaucoup, les écureuils des villes mangent mal… comme les humains.
Wist B., Stolter C. et Dausmann K. H., « Sugar addicted in the city: Impact of urbanisation on food choice and diet composition of the Eurasian red squirrel (Sciurus vulgaris) », Journal of Urban Ecology, vol. 8, 2022.